Crise russo-ukrainienne : les attaques contre les navires sont désormais meurtrières

Ces deux derniers jours, de nouvelles attaques contre des navires marchands ont été perpétrées, dont une s’est soldée par la mort d’un mécanicien. Ces nouveaux événements surviennent alors que huit autres navires marchands ont été ciblés depuis le début du conflit armé. L’Ukraine a sollicité l’organisation d’une session spéciale à l’OMI. Les appels auprès des grandes institutions de l’ONU se multiplient. 

Au huitième jour de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les forces russes se sont emparées de la ville portuaire portuaire ukrainienne de Kherson et concentrent désormais leurs efforts sur Kharkiv, la deuxième ville du pays, et Marioupol, au bord de la mer Noire, dont la prise permettrait d'opérer la jonction entre les forces venues de Crimée et celles venues des territoires séparatistes du Donbass. Dans ce contexte en tension, les attaques contre les navires marchands redoublent. Non seulement, elles se multiplient au large des côtes de la mer Noire et de la mer d’Azov mais elles sont désormais meurtrières. 

Le 2 mars, le Banglar Samriddhi, un vraquier de construction récente, immatriculé au Bangladesh et exploité par la compagnie Bangladesh Shipping, a été frappé par un missile ou une mine – l’origine n’est pas encore bien définie – tuant un des 29 membres d’équipage. Le vraquier, qui était au mouillage au large du port d'Olvia, dans la région de Mykolaïv, sur la côte nord de la mer Noire, fait partie de ces nombreux navires piégés par la fermeture soudaine des ports ukrainiens le 24 février. La compagnie a indiqué avoir mis à l’abri le reste de l’équipage alors que l’incendie, qui s’était déclaré à bord suite à l’explosion, serait maîtrisé.  

Le 3 mars, les autorités portuaires ukrainiennes ont indiqué que le Helt, un navire côtier battant pavillon panaméen, a été touché alors qu'il était ancré au large d’Odessa. Le navire a été la cible d’un potentiel tir de mine, selon la société de sécurité maritime Dryad Global, et a été perforé sous la ligne de flottaison. Il sombrera dans la journée. Les six membres d'équipage du navire – quatre ressortissants ukrainiens, un Russe et un Biélorusse – ont cependant été récupérés par les navires de sauvetage SAR01 et SAR02. Pris en charge par les services de secours ukrainiens, ils ont été transportés dans un hôpital de la ville voisine de Tchernomorsk. Le sauvetage a été confirmé par Vista Shipping Agency, le gestionnaire d’équipage du Helt basé à Tallinn.  

Navire-bouclier 

Selon les rapports sur l'incident établi par les autorités ukrainiennes, le Helt aurait fait, deux jours auparavant, l’objet d’une tentative « de prise d’otages », sans que ce fait soit explicité. « Les Russes utilisent le navire comme bouclier pour se protéger des attaques ukrainiennes car les Ukrainiens ne tirent pas sur des objets civils », a déclaré le Service national des gardes-frontières sur les réseaux sociaux.

Ces événements surviennent alors que huit autres navires marchands ont été ciblés dans le début du conflit armé. Trois d’entre eux ont été interceptés par la Marine russe et détournés tandis que cinq autres ont été frappés par des missiles. Parmi ceux-ci, outre les Banglar Samriddhi et Helt, le vraquier turc Yasa Jupiter battant pavillon des Îles Marshall, le souteur Millennial Spirit sous pavillon moldave, le vraquier Namura Queen, enregistré sous le drapeau panaméen, ont été pris entre deux feux.  

Le journaliste maritime russe Voytenko Mikhail, a évoqué l’interception, le 26 février, par la marine russe, des vraquiers battant pavillon ukrainien Afina et Princess Nicole. L’administration maritime ukrainienne a en outre fait part du détournement du pétrolier Athena

Demandes pressantes auprès de l’OMI 

Face à l’escalade, les demandes auprès des grandes organisations internationales se font de plus en plus pressantes. L’Assemblée générale des Nations Unis, qui s’est réunie en session extraordinaire d’urgence, a adopté le 3 mars, par 141 votes, une résolution, coparrainée par 96 États membres, qui exigeait un retrait immédiat des forces militaires russes du territoire ukrainien. La Russie, la Biélorussie, l’Erythrée, la Corée du Nord et la Syrie s’y sont opposés alors 35 autres pays se sont abstenus. Ce vote fait suite au rejet d’une demande similaire la semaine dernière au Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni, en raison d’un veto posé par la Russie qui a scandalisé les Occidentaux.

La résolution reconnaît, au nom de la communauté internationale, « la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant à ses eaux territoriales ». 

Dans le même temps, l'Ukraine, par la voix de Vitaliy Kindrativ, chef de l'administration maritime de l'Ukraine, a sollicité une session extraordinaire de l'OMI pour obtenir un « soutien à grande échelle à la navigation » alors que la sécurité des mers Noire et d'Azov est de plus en plus menacée. La marine russe aurait bloqué une centaine de navires battant pavillon étranger dans les ports ukrainiens. « Cette situation critique affecte le transport maritime international et les marins du monde entier, qu'ils soient à bord ou à terre, ainsi que leurs familles », indique le communiqué. 

Montée en puissance des inquiétudes

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a, elle, mis en garde contre le risque de mines en mer Noire. « Un grand nombre d'avertissements de navigation ont été émis, couvrant un certain nombre de zones d'alerte, y compris des zones de danger de mines », a déclaré l'OTAN dans une mise à jour. La semaine dernière, le Joint War Committee (JWC), le conseil des risques de guerre du secteur de l'assurance, a ajouté les eaux ukrainiennes et russes de la mer Noire et de la mer d'Azov à la liste des zones à haut risques.

Les inquiétudes ont monté de plusieurs crans en quelques jours. La semaine dernière, la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) alertait sur les impacts pour l’approvisionnement mondial si la libre circulation des marins ukrainiens et russes était paralysée. D’autant que les deux pays fournissent près de 15 % de la main-d'œuvre maritime mondiale. 

Sécurité des marins menacée

Cette semaine, Armateurs de France faisait part de ses inquiétudes pour la sécurité des équipages et des opérations dans les eaux et ports ukrainiens et russes, sensibilisant sur le sort des marins, qui avaient déjà été les grands oubliés pendant la crise sanitaire.

 « Alors que nous vivons le huitième jour des hostilités en Ukraine, nous demandons instamment aux dirigeants de toutes les parties de désamorcer d'urgence le conflit afin de minimiser la perte de vies innocentes », a réagi aux derniers événements Paddy Crumlin, président de l'ITF, la fédération internationale des ouvriers du transport. « Comme dans toute guerre, les dockers et autres travailleurs du transport se retrouvent en première ligne, malgré les risques énormes pour maintenir le pays en mouvement. Nous assistons à des attaques aveugles sur les infrastructures civiles et commerciales par les forces russes », a alerté le représentant des dockers. 

Ces appels tous azimuts sont lancés alors que le port de Marioupol, dans le sud de l'Ukraine, subit un assaut constant de l'artillerie russe depuis près d'une semaine. L’état-major américain assure pour sa part que plusieurs navires de guerre russes ont quitté la Crimée et se dirigent vers Odessa, le principal port de l'Ukraine. Un assaut des forces russes sur la troisième ville d'Ukraine ne serait plus qu’une question d’heures.

Adeline Descamps

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