Brittany Ferries a trouvé son partenaire pour acquérir Condor Ferries

Pour acquérir la compagnie de Guernesey, qui opère entre Saint-Malo, les Îles anglo-normandes et l'Angleterre, Brittany Ferries s'associe avec un fonds de private equity dit Evergreen. Le tout jeune fonds réalise son premier investissement. Brittany Ferries ne détiendra qu'une participation minoritaire mais assurera la partie opérationnelle. 

En juin, Brittany Ferries confirmait dans un communiqué l’information alors révélée par nos confrères du Marin : elle préparait bien une offre d'achat de Condor Ferries, une compagnie créée à Guernesey en 1964, que son propriétaire depuis 2008, le fonds australien Macquarie, cherchait manifestement à vendre. Dans un communiqué en date de ce 14 novembre, la société de Roscoff annonce avoir trouvé le partenaire financier pour reprendre la société anglo-normande dont les lignes desservent Poole, Portsmouth, Jersey, Guernesey et Saint-Malo.

Lorsque Brittany Ferries avait annoncé son intérêt pour cette compagnie qui réalise un chiffre d'affaires de 96 M£ (112 M€), tiré à 52 % par l’activité passagers et à 48 % le fret, elle n’avait pas caché qu’elle recherchait des partenaires dans cette opération, compte tenu de ses engagements financiers pour renouveler sa flotte, en se convertissant à cette occasion en partie au GNL, moyennant un investissement à terme évalué à 550 M€. D'ici 2025, la moitié de sa flotte (12 navires avec le Honfleur) sera en effet propulsée au GNL.

La proposition était aussi en mode défensif… pour désarçonner d’emblée toute offre de rachat déposée par l’un de ses concurrents (tels DFDS, P&O ou encore Irish Ferries) sur un marché, le trafic transmanche, déjà gagé par la perspective du Brexit.  

Alliance avec un private equity version durable

L’acquisition se fait donc en joint-venture avec Columbia Threadneedle European Sustainable Infrastructure Fund (ESIF, géré par Columbia Threadneedle Investments), un fonds de private equity dit « evergreen » – schématiquement la version durable du capital investissement revendiquant des participations prises sur le long terme. L’accord avec Macquarie Infrastructure and Real Assets (MIRA) doit encore être validé par les autorités de la concurrence avant d'être acté. Brittany Ferries ne détiendrait qu’une participation minoritaire, sur laquelle la société n'a pas voulu communiquer. 

Avec Condor Ferries, le fonds, qui vise des sociétés européennes de taille moyenne signe son premier investissement. « Condor Ferries est un investissement attractif en raison de ses fondamentaux du marché, de sa situation financière stable et de son équipe de direction qui possède expérience et réseau dans les îles anglo-normandes. Le consortium combine l'expertise d'un gestionnaire d'actifs mondial et la solide expertise opérationnelle de Brittany Ferries », indique Heiko Schupp, le directeur des investissements dans les infrastructures. 

Jean-Marc Roué, président du conseil de surveillance de Brittany Ferries considère que cet accord « donne à l'entreprise de nouvelles responsabilités dans ce qui constitue sa mission première : relier les territoires » tandis que le président du directoire Christophe Mathieu rappelle que « Brittany Ferries et Condor Ferries jouissent d'une longue expérience en matière d'exploitation commerciale et une coopération plus étroite entre les deux sociétés créera des opportunités ».

Deux sociétés qui se connaissent 

Condor Ferries et Brittany Ferries ne sont en effet pas étrangères l’une à l’autre. Elles ont même opéré ensemble un service saisonnier entre Cherbourg et Poole (exploité par le Condor Vitesse, partenariat qui a pris fin en 2012). Brittany ferries a également détenu 49 % de la société britannique Channel Island Ferries (BCIF), qui exploitait de Poole des services en ferry classique vers les îles Anglo-Normandes, avant que BCIF ne soit repris par société mère de Condor, Commodore Expédition, dans les années 90.

Condor a connu pour sa part une traversée au long cours, changeant plusieurs fois de main depuis 2002. Cette année-là, le groupe Commodore, qui comprenait Condor Ferries, Commodore Ferries et Commodore Express, a été vendu à un fonds de gestion détenu par ABN AMRO. En 2004, le groupe rebaptisé Condor Ferries passe alors dans le giron de la Royal Bank of Scotland pour 240 M£ jusqu’à ce qu’en 2008, le Macquarie European Infrastructure Fund II en prenne possession.

Aujourd’hui, la compagnie dispose d’une flotte de 4 navires battant pavillon Bahamas, dont 2 à grande vitesse, 1 Ro-pax et 1 fréteur : Condor Libération, trimaran à grande vitesse entré en service en mars 2015 d’une capacité de 245 voitures et 880 passagers entre le Royaume-Uni, Jersey et Guernesey ; le Condor Rapide, seul opéré à partir d’un port français (Saint-Malo) reliant en express entre Jersey et Guernesey, et recevant jusqu'à 175 voitures et 741 passagers ; le Commodore Clipper, assurant un service quotidien de transport de véhicules, passagers et fret (100 voitures et 500 passagers) entre le Royaume-Uni et les îles de Guernesey et Jersey, et le Commodore Goodwill. La compagnie maritime britannique a transporté en 2018 près d’un million de passagers, 200 000 véhicules de tourisme et 100 000 camions, revendique-t-elle.

Efforts financiers de BAI

Brittany Ferries (2,63 millions de passagers, 900 000 voitures, 205 400 camions) exploite 12 navires sur 12 routes maritimes desservies entre la France, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne à partir de 11 ports (Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Caen-Ouistreham, Le Havre, Plymouth, Poole, Portsmouth, Cork, Santander, Bilbao). Le 6 novembre dernier, elle a francisé son 11e navire, le Connemara, propriété de Stena Roro, affrété pour deux ans auprès du Suédois, tout comme deux autres navires, l’Étretat et le Kerry

Le ferry d'une capacité de 500 passagers et 195 voitures avait rejoint la flotte en mai 2018. Il avait été lancé initialement sous pavillon chypriote avec un équipage de 48 marins étrangers (Lettons, Lituaniens, Polonais, Estoniens et Roumains) employés par la société de management Northern Marine Group. Ce qui avait provoqué des remous sociaux. Le fait inhabituel pour la compagnie française avait été justifiée par la volonté de « minimiser les risques dans le contexte incertain de Brexit et sur une offre nouvelle entre l'Irlande et l'Espagne ». La compagnie s'était alors engagée au transfert au premier registre français avec un équipage de marins français, après deux ans d'exploitation.

« Cet engagement a été tenu avec six mois d'avance et engendre la création de 111 emplois, dont 25 officiers (Équivalent temps plein), précise aujourd'hui la direction. Le Connemara navigue depuis hier, le 13 novembre, sous pavillon français. En décembre, il reliera Cherbourg à Poole en remplacement du Barfleur en arrêt technique. Puis en janvier 2020, le Connemara opèrera entre Le Havre et Portsmouth.

Quatre nouveaux navires battant pavillon français doivent entrer service au cours des quatre prochaines années. Sans autre retard, le Honfleur sera livré par le chantier naval allemand FSG en 2020 pour opérer sur la ligne la plus fréquentée de la Compagnie, Caen/Portsmouth. Trois navires de type E-Flexer, le Galicia fin 2020, le Salamanca en 2022 et le Santoña en 2023 desserviront les lignes longues entre le Royaume-Uni et l'Espagne.

La société rappelle qu'elle manifeste ainsi à nouveau son engagement en faveur du pavillon français et sa « position de premier employeur de marins français ».

Adeline Descamps

 

 

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