INTERVIEW. Franck Brault, Simon-Kucher & Partners : "Il est possible d’améliorer la rentabilité du secteur du transport et de la logistique"

Franck Brault, associé du cabinet Simon-Kucher, chargé d'interroger 270 entreprises du secteur du transport et de la logistique, réparties dans une vingtaine de pays et représentant les principaux segments du secteur.

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Le secteur du transport et de la logistique n’est pas connu pour ses fortes marges… au contraire. Première réponse : concurrence et pression sur les prix. Mais selon Franck Brault, associé du cabinet Simon-Kucher, d’autres éléments sont à travailler pour améliorer la rentabilité de ces entreprises.

Logistiques Magazine : Simon-Kucher a récemment interrogé 270 entreprises du secteur du transport et de la logistique, réparties dans une vingtaine de pays et représentant les principaux segments du secteur. Quelles sont les principales conclusions de cette étude ?

Franck Brault : Près d’un tiers des augmentations de prix mises en œuvre dans le courant de l’année 2016 n’ont pas couvert l’augmentation des coûts… engendrant, mathématiquement, une dégradation de la rentabilité de ces entreprises. Cette proportion augmente lorsqu’il s’agit du transport ferroviaire (42 %) et routier (40 %). D’autre part, 39 % des augmentations de prix ont tout juste permis de maintenir les marges. Conclusion : seule une entreprise sur quatre est parvenue à augmenter ses marges en 2016. En moyenne, le taux de rentabilité de ces entreprises se situe aux alentours de 3 %. Un constat que nous jugeons alarmant pour la pérennité de ces structures : au moindre retournement de cycle économique, à la moindre baisse d’activité, le taux peut chuter à 0 %, voire passer en négatif. Pour comparaison, dans le secteur des laboratoires pharmaceutiques, le taux de rentabilité atteint 15 à 17 % et dans celui de l’automobile, il tourne autour des 8 %.
 

L.M. : Pourquoi ce manque de rentabilité dans le secteur du transport et de la logistique ?

F. B. : La majorité des entreprises de ce secteur travaille en priorité sur leur excellence opérationnelle. Elles n’ont pas la rentabilité comme principale préoccupation lorsqu’elles établissent leurs prix. Toutes cherchent avant tout à améliorer leur qualité de service, avec en ligne de mire la satisfaction client, la saturation de leurs moyens de transport, les volumes, les parts de marché ou encore l’évolution du chiffre d’affaires. Peu obtiennent une rémunération à la hauteur de leurs efforts. Elles sont à peine plus d’un tiers à se concentrer sur la rentabilité, qui est pourtant la clé pour assurer leur pérennité.
 

L.M. : Ces résultats sont les mêmes pour toutes les entreprises ou certaines parviennent-elles à tirer leur épingle du jeu ?

F. B. : Le marché de l’express s’en sort en effet mieux que d’autres, avec des marges plus importantes que les entreprises de transport "classique". En contrepartie, elles continuent d’investir massivement dans leurs outils et dans les services proposés. La conséquence est également une banalisation de l’offre : qui pourrait aujourd’hui imaginer attendre plusieurs jours avant d’être livré d’une commande passée sur Internet ? Pour autant, la concentration de ce marché n’est pas inéluctable. De nouveaux acteurs viennent challenger les historiques sur certains segments comme la livraison en points relais, notamment en Europe.
 

L.M. : Quelles solutions pourraient être mises en œuvre pour améliorer les marges du secteur ?

F. B. : La différenciation de l’offre est un des leviers possibles. Il s’agit pour les entreprises de faire apparaître différents niveaux de service dans leur catalogue d’offres, avec une tarification adaptée. Ce levier est finalement assez peu utilisé aujourd’hui pour les entreprises de transport et logistique, qui n’ont pas cette culture forte de marketing stratégique. Elles ont une culture très forte de l’excellence opérationnelle, mais admettent volontiers manquer de réflexion sur les prix. Or, pour un service spécifique offrant une réelle valeur ajoutée, le client acceptera plus facilement des prix plus élevés.

Une fois ces catalogues d’offres redéfinis, le défi est alors du côté des équipes commerciales et de la communication vers les clients. Un autre élément d’amélioration touche à la formation des équipes de vente. Compte tenu du très fort renouvellement des équipes dans les fonctions commerciales, beaucoup de commerciaux se retrouvent sous-formés en négociation de prix… Certains de nos interlocuteurs (comptes clés nationaux) nous ont affirmé ne pas se préparer à ce type de négociation pour garder leur spontanéité… Or, en face, ils ont affaire à des acheteurs de plus en plus professionnels.

Pour résumer, avoir de bons services est un minimum nécessaire mais pas suffisant. Il faut également expliquer aux chargeurs la valeur ajoutée de ces services, déterminer les prix en adéquation avec cette valeur, et apprendre à la vendre avec le même niveau de professionnalisme et de préparation que celui des acheteurs professionnels.

Pour accéder à l'étude complète (en anglais), cliquer ici.

 

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