« Résilience » face aux crises successives a été le mot-clé de la journée du transport fluvial et de l’intermodalité en Wallonie, organisée le 18 octobre 2022 à Suarlée (Namur). L’occasion d’aborder les phénomènes extrêmes (crues et étiages) au cours des 2 ans écoulés et comment s’y adapter ainsi que les nouveaux marchés potentiels pour le fluvial comme la logistique urbaine.
A la crise sanitaire du Covid 19, a succédé le choc des inondations meurtrières à la mi-juillet 2021 sur la Meuse, a rappelé Etienne Willame, directeur général de la mobilité et des infrastructures, Service public de Wallonie (SPWMI), lors de la journée du transport fluvial et de l’intermodalité en Wallonie, organisée le 18 octobre 2022 à Suarlée (Namur). « Nous avons mené des actions dans l’urgence » (fermeture de la navigation, ouverture des barrages, interventions aux écluses) « pour évacuer les débits vers l’aval » (et aussi vers le canal Albert) « avec l’enjeu de préserver la ville de Liège ». Après l’urgence, un important travail d’inspection des ouvrages, d’inventaire des dommages a été conduit par le SPWMI, des interventions ont été priorisées pour revenir à une situation la plus normale possible.La troisième crise est la sécheresse et les étiages avec de premiers signaux d’alerte à la mi-mai 2022, suivie d’une phase « préliminaire » la deuxième quinzaine de juin et une période « critique » du 5 juillet au 19 septembre. Une nouvelle fois, les services des voies hydrauliques ont mené leur mission, prenant des mesures comme le regroupement des bateaux pour le passage des ouvrages afin d’économiser l’eau, la réduction du tirant d’eau (-10cm sur la Lys mitoyenne, -80cm sur la Haute Sambre) et du niveau de service (suppression de certaines manœuvres nocturnes, passage conditionné pour les plaisanciers) mais aucun arrêt de navigation. « Les barrages-réservoirs ont joué leur rôle lors de cette période d’étiage, avec plus de 2,5 millions de mètre cube injectés », a relevé le directeur général pour lequel la modernisation avec le pilotage à distance d’ouvrages et la centralisation de la gestion hydrologique au centre Perex a été un autre atout dans la gestion de cette crise.Etienne Willame a annoncé le lancement ce mois d’octobre 2022 d’une étude de résilience des voies hydrauliques au changement climatique, en termes de ressource en eau et au regard de l’évolution des besoins pour la navigation, en eau potable, pour les industries, l’agriculture…. L’objectif est de garantir la ressource en eau à l’horizon 2050 et 2100 en déterminant des scénari pour y parvenir.
Vers le rehaussement des ponts du canal Albert
Les situations géopolitique avec la guerre en Ukraine et inflationniste sont les autres crises qui s’ajoutent aux précédentes. Toutefois, « la résilience » est à l’œuvre comme le montrent les avancées des travaux divers et variés sur les voies navigables wallonnes.La traversée de Comines par la Lys est finalisée. La traversée de Tournai achève sa mutation au gabarit Va avec une inauguration du Pont des Trous programmée pour avril 2023. A la même date, l’extension de Trilogiport sera faite. Sur la Sambre, les travaux avancent également pour établir un tirant d’eau à 2,80 mètres avec l’ouverture de la nouvelle écluse d’Auvelais mi-2023. La réouverture du canal de Condé-Pommeroeul, « lien historique entre la France et la Wallonie » fermé depuis 1992, a été confirmée pour la mi-2023. Sur la Meuse, le grand sas d’Ampsin-Neuville sera achevé fin 2023, « conformément au planning ».Pour l’avenir, les études sur le rehaussement des ponts du canal Albert à 9,10 mètres (Lanaye, Lixhe, Haccourt, Hermalle-sous-Argenteau) sont en cours, les travaux seront programmés à partir de 2024 « de manière séquentielle, en fonction des besoins prioritaires ». Etienne Willame a ajouté que « le petit gabarit n’est pas oublié », plus particulièrement son potentiel pour la desserte urbaine avec une étude en cours en association avec plusieurs communes volontaires, pour identifier des quais pour cette logistique, les aménagements éventuels nécessaires de ces sites. La volonté est de lancer en 2023 un appel à projets pour lancer le mouvement dans l’une ou l’autre ville.
Atteindre une transition des marchés du fluvial
Lors d’une table-ronde, Norbert Kriedel, de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), a insisté sur l’importance du nouveau marché de la logistique urbaine pour la navigation intérieure, évoquant « une évolution du transport fluvial vers une logistique courte distance plutôt que longue distance ».Il a rappelé que les minerais de fer, le charbon, les produits pétroliers « représentent encore 33 % des flux sur le Rhin. Mais ce sont aujourd’hui des marchés qui sont limités » et n’ont plus les mêmes perspectives de développement même si le transport de charbon est relancé temporairement. « Il faut atteindre une transition des marchés du transport fluvial pas seulement une transition énergétique des bateaux ». Pour ce représentant de la CCNR, « la crise énergétique peut être un catalyseur, un accélérateur de la transition car la pression est là et il n’y a pas de changement sans pression ».Pour que le transport fluvial conquiert de nouveaux marchés, il a souligné le besoin de bateaux « adaptés » non seulement à la logistique urbaine, pour laquelle les grandes unités de 3000 tonnes ne sont pas pertinentes tout en l’étant pour d’autres filières, mais aussi aux périodes de basses eaux.« Il n’y a pas de solution magique aux étiages du Rhin, a dit Norbert Kriedel, mais une combinaison de mesures. Parmi celles-ci, il y a l’adaptation de l’infrastructure elle-même, en comprenant toutefois que les impératifs environnementaux et les sensibilités écologiques ont changé et que réaliser des modifications comme celles faites dans le passé sur la morphologie du fleuve ne sont plus possibles ni acceptables. L’infrastructure peut être améliorée mais il faut aussi changer la logistique, prévoir davantage de stockage, adapter les bateaux. La construction navale a choisi au cours des dernières décennies de faire des bateaux toujours plus grands dans une logique de capacité d’emport et d’économies de coûts. La problématique des basses eaux était aussi nettement moins forte. Aujourd’hui, Il faut revenir à une construction navale différente ».Parmi les autres défis à relever, le manque de personnel et d’attractivité des métiers du transport fluvial (« capital humain ») tandis que la navigation (semi-) autonome a été largement évoquée comme une piste positive, la Belgique étant particulièrement engagée dans cette innovation avec la société Seafar.