Des usines fermées, des personnels confinés, des activités portuaires perturbées, le dédouanement retardé…, les restrictions imposées par le rebond épidémique dans une grande partie du pays ont entravé les arrivées de marchandises, affaibli la demande intérieure et limité les exports.
Selon les données douanières chinoises publiées le 11 avril, les flux entrants en Chine ont diminué de 0,1 % en mars par rapport à l'année précédente, marquant la première baisse depuis août 2020. Si le repli n’a rien d’alarmant, il doit se comparer à la croissance de 15,5 % enregistrée au cours des deux premiers mois de l'année.
Demande industrielle faible pour certains intrants
La baisse des importations n’épargne aucune des matières premières ou énergies essentielles à l’usine du monde. Les centres manufacturiers tournant au ralenti du fait du confinement, la demande industrielle pour certaines matières premières est restée faible.
Les volumes importés de pétrole brut par le premier consommateur mondial d’énergies ont ainsi chuté de 14 % en mars et ceux de gaz ont été les plus faibles depuis octobre 2020.
Le premier acheteur mondial de cuivre a également limité ses imports de cuivre (504 009 t), en repli de 8,8 % par rapport à la même période de l'année précédente, selon l'Administration générale des douanes. En l’occurrence, pour l’or rouge, il s’agit de la troisième baisse mensuelle consécutive si bien que le premier trimestre se termine sur un repli de 2,6 % par rapport à la même période de l'année précédente, avec 1,47 Mt.
La demande timide de cuivre de minerai de fer reflète les perturbations dans la construction automobile (Toyota et Volkswagen ont été contraints de suspendre certaines opérations) et de l’immobilier, notamment à Shanghai et dans la province de Jilin.
Le minerai de fer en dégringolade
Le premier importateur mondial de minerai de fer qui sert à fabriquer l’acier a également boudé la matière première, alors que la Chine représente environ 70 % du minerai de fer maritime mondial. Les volumes entrants ont chuté de 14,5 % en mars par rapport au même mois de l'année précédente (87,28 Mt). Mais la situation est plutôt liée à la défaillance de ses fournisseurs : le géant minier brésilien Vale a dû suspendre ses opérations dans la mine de Carajas début mars en raison de fortes pluies, plombant les entrées de 28,6 % sur une base annuelle, selon les données de Refinitiv sur le suivi des navires.
Au cours du premier trimestre 2022, la Chine a importé 268,36 Mt de minerai de fer, soit une baisse de 5,2 % par rapport aux 283 Mt des trois premiers mois de l’année 2021. Les données des douanes indiquent par ailleurs que les exportations de produits sidérurgiques de la Chine ont dégringolé de 34 % par rapport à mars 2021, à 4,95 Mt en mars, et de 25,5 % sur le trimestre pour atteindre 131,8 Mt.
Les ventes de pelleteuses – indicateur avancé de la constructionde l'activité de construction et de la demande d'acier – ont plongé de près de 64 % en mars par rapport à l'année précédente.
Parmi les signes plus positifs, Tangshan, la plaque tournante de la sidérurgie chinoise, a levé le confinement depuis le 28 mars, ce qui devrait libérer l’activité de production. De janvier à mars, la Chine a en outre mis en service huit nouveaux hauts fourneaux d'une capacité de 16,64 Mt, qui retranché des installations fermées, porte à 6 Mt par an l’augmentation nette de la capacité.
Pour autant, la guerre russo-ukrainienne est une véritable menace pour l’approvisionnement. Environ 40 % du minerai de fer de la Russie et de l’Ukraine sont traditionnellement exportés vers la Chine.
Annulations de commandes
En hausse de 14,7 % en mars, les exportations ont cependant ralenti par rapport à la tendance moyenne des deux précédents mois, de 16,3 % en janvier-février. « En raison des graves perturbations des activités des usines, du transport routier et de la congestion des ports suite à la pire vague épidémique et aux blocages les plus sévères depuis le printemps 2020, nous nous attendons à ce que la croissance des exportations soit nulle en avril, tandis les importations sont susceptibles de chuter à moins 3 % », indique la banque japonaise Nomura dans une note.
Dans des enquêtes réalisées auprès de l’industrie manufacturière, les entreprises ont signalé une baisse des commandes à l'exportation et plus inquiétantes, des annulations de commandes en raison des incertitudes économiques et géopolitiques.
L'indice officiel des directeurs d'achat du secteur manufacturier chinois Caixin est passé en mars sous la barre des 50 points (signifiant une contraction) pour atteindre son plus bas niveau depuis octobre 2021 en mars.
Excédent commercial de 47,38 Md$ en mars
La Chine a affiché un excédent commercial de 47,38 Md$ en mars, mais en grande partie liée à la baisse inattendue des importations, après le solde de 115,95 Md$ consolidé de janvier et février. La hausse des prix de l'énergie, les perturbations logistiques mondiales, la guerre de la Russie en Ukraine et le regain épidémique qui mettent les exportateurs sous pression, devraient contrarier les performances commerciales de la Chine.
Pékin maintient néanmoins son objectif de PIB de 5,5 % pour l’année, du reste le niveau le plus bas depuis plus de 30 ans. Fidèle à la réputation d’insubmersible dont la seconde puissance économique mondiale a maintes fois fait la démonstration mais qui fait douter aujourd’hui jusqu’aux médias d’État chinois.
Adeline Descamps