Il aura fallu une trentaine de réunions pour produire un document censé moderniser la loi Major qui régit le travail portuaire, mais qui en réalité ne change pas grand-chose. La plupart des chefs d’entreprise considèrent qu’on est toujours loin de ce concept de libéralisation du travail portuaire que prône la Commission européenne. Quelques semaines auparavant, les organisations syndicales ont exigé que les entreprises portuaires affirment par écrit qu’elles n’engageraient des dockers que via le pool. Quelques entreprises ont signé sans enthousiasme, par crainte de réactions pouvant nuire à leurs activités. D’autres ont signé sous réserve, car cette forme de « chantage » pourrait s’apparenter à la formation d’un cartel. D’autres encore n’ont pas réagi ou simplement refusé d’y apposer leur signature.
Quant au compromis, accepté par les organisations syndicales, il doit encore obtenir l’approbation de la base. Sur les 9 000 dockers, 7 000 relèvent du port scaldien. Quant au solde, il représente le contingent logistique. Cette catégorie ne serait pas concernée. Les ouvriers-logisticiens ont une rémunération de 25 % inférieure à celle d’un docker.
La teneur de ce texte repose sur la possibilité pour des entreprises d’engager des dockers hors du pool d’emploi de la main-d’œuvre, par exemple via des bureaux d’intérim. Cependant, ces entreprises restent dans l’obligation d’engager des dockers reconnus. Une reconnaissance qui dépend de l’approbation des entreprises et des syndicats. À Anvers, 99 % des dockers sont syndiqués.
Quant aux ouvriers logisticiens, ils n’auraient plus le statut de « docker B ». Leur reconnaissance dépendrait d’un « certificat » attribué par une instance dans laquelle siégeraient également les organisations syndicales. Cela signifie qu’il n’y aura que peu de changement.
Pour ce qui est de la composition des équipes, le compromis insère une modification. Si les entreprises de manutention veulent constituer des équipes selon leurs besoins réels, elles devront en faire la demande. Le temps et les démarches qui seront nécessaires pour obtenir cette dérogation seront importants et les résultats auront une portée qui risque d’être minime.
La circonspection est de mise
Autre point important: la polyvalence des fonctions. En d’autres termes, un docker pourrait effectuer d’autres tâches que celles qui lui sont syndicalement attribuées. Cet aspect du compromis est encore très vague dans sa formulation.
Si le ministre du Travail annonce clairement qu’il a l’assurance que la Commission européenne acceptera ce compromis, dans les milieux portuaires, la circonspection est de mise. Le président de la Fédération royale des gestionnaires de flux de marchandises, Karl Huts, ne cache pas que ce compromis, en réalité, ne change pas grand-chose. Certes, il y a la possibilité d’engager hors du pool, mais dans quelles conditions? Un docker ne se forme pas en huit jours. Une fois la formation réalisée, il y aura fatalement la « reconnaissance » du statut. Cette dernière sera-t-elle tributaire d’une syndicalisation? Le président le craint.
Dans ce contexte, il faut considérer que le camp des manutentionnaires est assez divisé. Les grands exploitants de terminaux à conteneurs comme PSA, MPET (PSA/MSC) ou DP World n’ont guère de préoccupations avec le pool. Ce sont toujours les mêmes dockers, familiarisés avec ces entreprises, qui reviennent chaque jour sur les mêmes terminaux. Ces entreprises ont toujours tout accepté pour avoir la garantie d’une paix sociale et de hauts rendements. Il en va différemment pour les autres manutentionnaires qui doivent bien compter avec le pool.
À supposer que le référendum du 14 juin soit positif, quelle sera la réaction de la Commission européenne? Elle risque de se trouver dans une situation très délicate. Il y a la crainte de revoir les dockers belges envahir à nouveau les rues de Strasbourg, et de faire face à des grèves. Si elle donne son accord et classe le dossier belge, se posera alors le problème espagnol. Si la Commission fait preuve de souplesse vis-à-vis des ports belges alors qu’elle a adopté une position stricte vis-à-vis du régime espagnol, il lui faudra certainement affronter la réaction de Madrid.