À quelques semaines du salon Solutrans, Transport et environnement (T&E) a décidé de frapper fort. Selon des tests indépendants sur route commandés par l’ONG, les camions au gaz naturel liquide (GNL) ne seraient pas meilleurs pour l’environnement que les camions traditionnels au diesel, et pollueraient "bien plus que ne le prétendent les fabricants".
Rappelons qu’en septembre 2019, l’organisation avait déjà publié une étude qui dénonçait la nocivité du GNL avec 6 constructeurs de poids-lourds. Cette fois-ci, seul le leader du marché est visé.
Plus de méthane
L’Université technologique de Graz (TU Graz) a ainsi comparé un camion S-Way GNL d’Iveco avec son équivalent Diesel (sur un Stralis), en mesurant les émissions dioxyde de carbone (CO2), de protoxyde d'azote (N2O) et de méthane (CH4) à la fois au niveau des pots d'échappement des deux modèles de véhicules concernés, et aussi lors des étapes de production des carburants ("du puits au réservoir").
TU Graz a ensuite calculé la quantité de GES qui restaient dans l'atmosphère après l'émission pendant vingt ans et cent ans. Il en ressort qu’un camion GNL émet en moyenne 13,4 % de plus de GES, en vingt ans, qu'un camion doté d'un moteur Diesel. Ce surplus n’est pas du aux émissions en sortie de pot d'échappement, puisqu’un camion gaz émet moins de CO2, quasiment aucun N2O et légèrement plus de méthane que son équivalent Diesel. Le mauvais bilan s’expliquerait par des fuites de méthane produites lors de l'extraction du gaz naturel et aux GES émis par les camions citernes transportant le GNL et lors de la liquéfaction du gaz naturel en GNL.
...mais une durée de vie plus courte
Sur 100 ans, le bilan est à l’inverse plus favorable pour le GNL (-7,5 % d’émissions de GES) car le méthane a durée de vie plus courte que le CO2 dans atmosphère (12 ans contre 100 ans). Il n’empêche. Le méthane ayant un impact "beaucoup plus important" sur le réchauffement climatique que le CO2 dans les vingt ans qui suivent son émission, "le récent rapport du Giec montre qu'il faut absolument le réduire afin d'éviter des hausses catastrophiques de température", plaide l’ONG.
T&E enfonce le clou en ce qui concerne les émissions de particules cancérigènes. En conduite citadine et rurale, lors des essais réalisés, le camion GNL étudié a émis 37 fois plus de particules ultrafines "qui pénètrent en profondeur dans l’organisme et sont liées à des tumeurs au cerveau" que son équivalent Diesel.
Mettre fin aux incitations
T&E balaie également les avantages de la filière biométhane. "L’alimentation des camions européens aux gaz renouvelables n’est pas envisageable. Rien que dans les six plus grands pays européens, la demande de biométhane pour les camions surpasserait largement la quantité disponible, même avec de généreuses subventions", soutient l’organisation, en tirant une croix sur les analyses du puits à la roue mises présentées par la filière bioGNV pour démontrer la neutralité carbone de leur solution.
En conclusion, l’organisation demande que les stations de remplissage au gaz naturel soient exclues des objectifs européens d’infrastructure de distribution de carburant, et que le gouvernement français mette fin aux "généreuses mesures d’incitation à l’achat accordées aux camions GNL". Pour T&E, seuls les camions "neutres en émissions, à l’instar des véhicules à batterie électrique", devraient être soutenus par les législateurs. Le constructeur Iveco, que nous avons contacté, ne souhaite pas réagir pour le moment.
