Espagne : le plan de relance du fret ferroviaire en danger

Le plan "Marchandises 30" a été bien perçu mais le contexte dans lequel évolue le secteur ferroviaire a profondément évolué en l’espace de quelques mois.

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Le 7 juin dernier, le ministère des Transports espagnol a présenté le plan "Marchandises 30", dont le principal objectif est de porter à 10 % en 2030 la part du ferroviaire dans le transport intérieur de marchandises. Quelques mois plus tard, l’explosion du coût de l’électricité dans un contexte de contraction de la demande rebat les cartes de ce plan.

Ces 20 dernières années, l’Espagne a multiplié les plans de relance du fret ferroviaire, sans succès jusqu’ici puisque le rail ne représente que 4 % du trafic de marchandises. Présenté le 7 juin dernier, le plan "Marchandises 30", qui s’inscrit dans le cadre du Plan de Récupération, Transformation et Résilience (PRTR) du gouvernement espagnol, repose sur deux volets.

Deux versants

Il comporte, d’abord, un dispositif d’attribution d’éco-subventions, une première en Espagne, basé sur une série de critères : utilisation de locomotives électriques de dernière génération, efficacité des flux (rapport volume transporté/capacité), réduction des coûts externes par rapport à la route de 30 % et hausse du trafic de 8 %. Une somme de 20 millions d'eurs (M€) par an sur trois ans (2022-2024) a été allouée, soit 60 M€ en tout.

Le deuxième volet concerne l’achat d’équipements (locomotives, wagons, etc.) mais aussi les investissements dans les terminaux ferroviaires, l’appui à la digitalisation, l’implantation du European Rail Traffic Management System (ERTMS), les essieux variables, les autoroutes ferroviaires, etc. L’État espagnol offre une subvention pouvant aller jusqu’à 40 % de l’investissement afin de stimuler une meilleure offre de services ferroviaires. L’enveloppe totale prévue par le plan est de 8,4 milliards d'euros (Mds€).

Un accueil favorable

Le plan a été bien perçu en raison de son caractère novateur et de l’ampleur des sommes en jeu. Cependant, le contexte dans lequel évolue le secteur ferroviaire a profondément évolué en l’espace de quelques mois. Le dispositif des éco-subventions a été mis au point en octobre 2021 alors que l’activité était en pleine reprise à la suite de la pandémie.

"Cette dynamique de croissance a été interrompue à partir du deuxième trimestre de 2022, en raison du ralentissement brutal de la demande, conséquence de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur les prix de l'énergie", explique Juan Diego Pedrero, président exécutif de l’Association des entreprises ferroviaires privées (AEFP). Une association dont les membres ont assuré, en 2021, 43 % du trafic (mesuré en tonnes-kilomètres) et 53 % des services intermodaux. Le secteur ferroviaire a donc demandé une adaptation du dispositif, qui est actuellement à l’étude au ministère des Transports.

L'explosion du prix de l'énergie

Un autre élément est venu percuter le plan de relance : l’explosion du prix de l’énergie, et en particulier de l’électricité, en dépit du plafonnement mis en place en Espagne et au Portugal. Et ce d’autant plus qu’il y a actuellement une migration très importante du parc de locomotive depuis le diesel vers la traction électrique (60 % du total actuellement), en raison de la stratégie d’électrification mis en place par ADIF, l’entreprise publique en charge du réseau ferroviaire espagnol. Selon l’AEFP, le poids de la facture d’électricité est passée de 20-25 % des coûts d’exploitation à 40-45 % actuellement. Cette contrainte est venue s’ajouter à la contraction de la demande.

Les opérateurs privés demandent une compensation de la hausse du coût de l’électricité fournie par ADIF. Dans le cadre des mesures d’appui pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, le gouvernement espagnol avait mis en place une compensation pendant trois mois seulement (avril-juin 2022). Pour l’heure, ADIF a été autorisée à assouplir le système d’attribution d’électricité aux opérateurs, à partir d’avril 2023, une mesure qui "apportera davantage de certitude et de visibilité aux opérateurs en matière de planification de leurs coûts" selon Juan Diego Pedrero, sans pour autant avoir un impact sur les tarifs.

Un objectif ambitieux

Dans ce contexte difficile, le risque de perte de marché du ferroviaire est réel. Un rapport récent publié par l’ANFAC, l’Association espagnole des fabricants d’automobiles et de camions (Anfac), montre, par exemple, que la part du ferroviaire dans le transport de véhicules est passée de 14 % en 2020 à 11,6 % en 2021. Le transport routier de marchandises a vu sa contribution grimper de 42 % à 44,7 %.

En dépit de ces incertitudes, les professionnels du secteur demeurent confiants sur l’avenir du fret ferroviaire. Les instruments mis en place, notamment les éco-subventions, constituent de puissants leviers, de nature à favoriser le report modal. Reste à savoir quels seront les ajustements proposés par le ministère des Transports en matière d’éco-subventions et si une compensation, au moins partielle, de la hausse du coût de l’électricité sera mise en place.

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